L’Adolescence de Michèle Emmanuelli Paris, PUF, coll. Que-sais-je ? (2009)
Ce que sais-je n’est pas un ouvrage de vulgarisation sur l’adolescence et s’adresse donc plus à un public avisé qui souhaite connaître cette période en la confrontant à diverses perspectives.
L’auteure, professeur émérite en psychologie clinique, nous éclaire sur les remaniements psychiques de l’adolescence, en les liant aux phénomènes pubertaires, et en prenant en compte les données de l’évolution sociale. Sont abordés : l'adolescent et la société, le processus d'adolescence, les troubles de l'adolescent et les modalités thérapeutiques.
La notion d’adolescence telle qu’on la connaît aujourd’hui (la prise en compte d’un groupe d’âge avec ses particularités et son fonctionnement) est une création sociale née au XIXème siècle
en lien avec l’évolution des rapports démographiques entre les générations. Mais l’intérêt porté à l’adolescence n’a jamais été aussi fort qu’aujourd’hui.
Le regard de la société est marqué par l’excès, en positif et en négatif. C’est une période de transition entre l’enfance et l’âge adulte, débutant à la puberté et se terminant vers 20 ans. Les sociologues préfèrent noter la fin de l’adolescence au début de la vie professionnelle, le mariage, le départ de la famille d’origine. Evidemment, l’adolescence n’est pas un phénomène purement social mais aussi d’ordre physiologique, psychologique, culturel. Je vais ici juste me focaliser sur l’aspect psychique et en particulier la puberté.
La puberté modifie à la fois le corps et le statut du sujet, l’adolescent a dorénavant accès à la sexualité génitale donc une relation nouvelle à l’Autre. De plus, c’est une étape importante de réactivation des conflits qui engage chez l’ado la nécessité d’une élaboration psychique. Via la puberté, le voilà de nouveau confronté, à la reprise du conflit œdipien, à la nécessité d’élaborer la problématique de séparation, qui remet en jeu la position dépressive, tout cela fragilisant ses assises narcissiques. Ses pulsions qui surgissent brutalement prennent le sujet au dépourvu et induisent un sentiment d’inquiétante étrangeté qui peut être à l’origine d’un remaniement créatif comme d’une difficulté psychique voire des troubles qui doivent pris en charge selon des modalités propres. Les modifications du corps assignent à l’adolescent une tâche essentielle : s’inscrire dans un corps sexualisé, lui permettant d’occuper définitivement sa position, en tant qu’homme ou que femme. Ce choix n’est pas simple. Il est inquiet des changements de son corps, de sa séduction. Il se préoccupe de son corps et se focalise souvent sur un aspect qui lui déplaît (le nez, pénis trop petit, acné, poids…). Cette centration sur le corps est normale mais peut aussi être le signe d’un processus pathologique. Comment savoir dans ce temps de turbulence, quand l’adolescence est « normale » ? : « Si l’on se réfère à sa finalité, la tâche essentielle de l’adolescence consiste à atteindre un mode de relation d’objet défini par Freud comme relation de type génital : celle-ci, qui constitue la dernière étape de l’évolution psychosexuelle, doit être entendue non pas simplement comme capacité à avoir une relation sexuelle aboutissant à un orgasme, mais comme une relation qui pose l’objet comme alter ego et repose sur un échange entre deux sujets désirants. Une telle relation demande, pour pouvoir se mettre en place, que le sentiment d’identité du sujet soit assuré et son organisation narcissique suffisante pour que la rencontre avec l’autre ne le mette pas en danger. Elle implique aussi d’avoir intégré les éléments issus du passé aux apports de toutes les rencontres nouvelles, et élaboré le processus de séparation, pour aboutir à un sentiment de soi remanié et agrandi, héritier de l’adolescence normale. » Vaste programme…
La crise ? Il n’y pas d’adolescence sans crise mais il ne faudrait pas banaliser sous ce terme, toutes les manifestations pathologiques possibles. Il faut évidemment s’inquiéter si le comportement est auto ou hétéro agressif ou parfois trop « calme » lequel peut traduire un processus morbide. On peut, par exemple, proposer une différenciation des troubles en trois catégories (Laufer) :
- Les adolescents chez qui on observe un fonctionnement défensif affectant tout ou partie des domaines de la psyché, sans que le processus de développement soit compromis pour l’essentiel : on y retrouve des difficultés banales de cet âge, prenant des formes diverses (inhibition, troubles du comportement, anxiété, conduites masochistes, petite délinquance…) La problématique œdipienne y prévaut, même si la dimension narcissique semble la plus apparente.
- Les adolescents présentant une impasse du développement : la voie de l’évolution comme celle de la régression semblent barrées et l’évolution ne se fait pas sans intervention thérapeutique.
- Les adolescents dont le développement se termine de manière anticipée, l’organisation pathologique étant déjà fixée : les configurations psychopathologiques sont pratiquement similaires à celles retrouvées chez l’adulte. Il s’agit de pathologies déjà anciennes, fixées prématurément, que le processus adolescent ne semble en rien modifier.
Il faut garder à l’esprit que les troubles psychiques de l’adolescent, du fait de leur dimension mouvante, sont susceptibles d’évolution. Le clinicien, quant à lui, ne doit pas banaliser les troubles et il doit bien connaître le parcours du jeune pour repérer ses ressources et ses vulnérabilités. Le thérapeute doit aussi prendre en compte la famille, ce qui ne signifie pas qu’elle interfère toujours dans les rencontres
entre thérapeute et adolescent. La rencontre avec les parents se fait avec l’accord et principalement en présence de l’adolescent. Parfois une hospitalisation est nécessaire.
Cette période de transformation est déterminante pour l'individu dans ses rapports à lui-même comme aux autres, et l'auteur présente cette étape décisive dans toutes ses dimensions.
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